Les 26 et 27 mars 2015 se tiendra le colloque
L'écrit monastique
organisé à l'UFR Lettres, Langues et Sciences Humaines et au Studium d'Orléans
par Chantal SENSÉBY, dans le cadre d'un projet APR consacré à la figure martinienne.
par Chantal SENSÉBY, dans le cadre d'un projet APR consacré à la figure martinienne.
Programme à venir
Argumentaire :
L’espace
ligérien, entendu dans un sens large du Nivernais jusqu’à l’embouchure de la
Loire, est marqué par une floraison monastique dès l’Antiquité tardive. Martin
réunit quelques moines à Marmoutier dans le dernier tiers du IVe siècle et
Saint-Benoît-sur-Loire est fondé au VIIe siècle. Du début du monachisme
occidental jusqu’au Moyen Âge central, bien des abbayes ont été avec les chapitres
cathédraux et canoniaux de hauts lieux de savoirs et de productions
culturelles.
Cet aspect a
particulièrement été souligné ces dernières années lors de manifestations
scientifiques organisées à l’occasion de dates anniversaires (millénaire
d’Abbon de Fleury, douzième centenaire de la mort d’Alcuin…) et, en 2008, lors
d’un colloque consacré aux abbayes martiniennes. Les chercheurs se sont
attachés à analyser divers types d’écrit d’origine monastique : des productions
hagiographiques et historiographiques, des constructions généalogiques… Ils se
sont penchés sur les pratiques de l’écrit diplomatique en milieu monastique
tirant parti de la richesse des archives médiévales, les fonds de Saint-Martin
de Marmoutier et de Saint-Florent de Saumur étant parmi les plus abondants de
France.
Ce colloque se
propose d’apprécier la culture monastique ligérienne, d’en repérer les
inflexions au cours de la période et d’en évaluer l’originalité en prenant en
compte les différentes formes d’écrit qui s’y sont développées sans négliger
les liens entre écrit et peinture, écrit et architecture, écrit et épigraphie,
écrit et musique… Il a aussi pour ambition de mieux cerner les relations
humaines, institutionnelles et culturelles, nouées entre les abbayes
ligériennes, entre celles-ci et les établissements des espaces environnants
(Poitou, Normandie, Bretagne, Chartrain et Bourgogne…) d’autant plus que
Saint-Martin de Tours et Saint-Benoît-sur-Loire, hauts lieux de culture dès le
haut Moyen Âge, et l’abbaye Saint-Martin de Marmoutier, la « Cluny de l’ouest
», ne sont pas étrangers à la constitution d’un réseau de lettrés et à la
dynamique des échanges culturels. Enfin, ce colloque sera l’occasion de faire
le point sur les travaux récents, les projets en cours et les chantiers à
ouvrir afin de cerner pleinement la culture monastique ligérienne.
Trois axes
seront privilégiés laissant place à des questionnements diversifiés et ouverts,
ceux qui suivent n’étant qu’indicatifs.
I- Les lieux
d’élaboration du savoir et d’acquisition des compétences
Souvent dotées
d’une école, les abbayes ont contribué à la formation des individus, dont
certains comptent parmi les grands lettrés de leur époque. Pourvues parfois
d’une bibliothèque, elles ont participé à la conservation et à la transmission
d’une culture diversifiée.
Que peut-on
savoir de la formation des moines ? Quel rôle joue les écoles cathédrales ou
canoniales et leurs maîtres dans leur formation intellectuelle ? Constate-t-on
des évolutions majeures au cours de la période ? Qu’en est-il des abbayes de
femmes ?
Que sait-on des
bibliothèques monastiques, de leur rôle dans la conservation et la diffusion
des savoirs, de la place qu’elles accordent aux manuscrits entretenant la
mémoire de la figure martinienne ? Quelle est l’importance des ouvrages
scientifiques, juridiques et littéraires dans ces bibliothèques ? Des échanges
entre bibliothèques sont attestés : quel est leur impact sur la reproduction
des manuscrits ?
De grands
ateliers d’écriture sont actifs dans l’espace ligérien. Sont-ils tous dotés
d’ateliers d’enluminures ? Les moines chargés de l’ornementation sont-ils les
copistes ? La situation est-elle variable d’un établissement à un autre ? Les
hommes circulent-ils d’un centre vers un autre ? Les petits établissements
ont-ils recours aux « services culturels » des plus grands ? Des jeux
d’influences sont-ils discernables entre ateliers d’enluminures ? Peut-on
mesurer le dynamisme de ces divers centres et discerner une chronologie fine de
leur activité ? Quel est le rôle des différents acteurs dans ces centres de
copie et de production d’écrits ? Quelle est leur culture diplomatique et
quelles sont leurs compétences paléographiques ?
II- Les
productions monastiques
Les moines ne
se livrent pas seulement à un travail de copie ; ils conçoivent aussi de
nouveaux textes, des ouvrages hagiographiques, historiographiques, liturgiques,
des lettres, des poèmes, des écrits de gestion… Ils y dressent aussi des
chartes pour leurs établissements mais aussi pour les élites princières et
seigneuriales. Ils se livrent aussi à des travaux d’ornementation de certains
actes et de manuscrits. C’est la diversité et la complémentarité de cette
production que l’on souhaite mettre en lumière tout en s’interrogeant sur les
processus d’élaboration de ces écrits variés et sur les interactions entre les
diverses pratiques de l’écrit.
Les ouvrages
conservés manifestent la variété des productions monastiques. Certains types d’ouvrages
ont-ils été favorisés dans l’espace ligérien et d’autres délaissés ? Quel a été
le rôle des familles princières, de la culture de cour ? Quel a été l’impact
des réformes religieuses sur la production monastique ? Est-ce que ces réformes
l’ont modifiée, réorientant la nature et le contenu des ouvrages élaborés ?
Quelle a été l’influence du développement des écoles urbaines pendant le Moyen
Âge central ? Des évolutions lexicales et linguistiques sont-elles à l’œuvre
pendant la période considérée ? Observe-t-on des échanges entre la production
diplomatique d’une part, les constructions mémorielles (nécrologes, chroniques,
annales…) et les livres liturgiques d’autre part ? Entre chroniques et chansons
de geste ?
L’espace
ligérien constitue-t-il une « région diplomatique » ou la diversité
l’emporte-t-elle ? Une influence de grands centres d’écriture comme
Saint-Martin de Tours est-elle observable ? Des emprunts aux actes pontificaux
et royaux sont connus. Certaines abbayes les pratiquent-elles plus que d’autres
? Des formulaires propres à certains centres ont été identifiés : qu’en est-il
en d’autres lieux de production ? Les pratiques diplomatiques des bénédictins,
fontevristes, grandmontains, cisterciens… sont-elles similaires ?
Quels liens
peut-on observer entre la pratique diplomatique et celle de l’épigraphie ? Au
sein d’un même établissement existe-t-il un dialogue entre manuscrits de
bibliothèque et actes de la pratique, entre ornementation et mise en page des
uns et des autres ?
Certains
monastères sont connus pour avoir produit des faux. Quelle est la part de cette
production dans la documentation conservée ? Quelles fonctions joue-t-elle
(réponse à une situation conflictuelle, manipulation de la mémoire
institutionnelle…) ? Quelle conscience de ces faux les copistes et
cartularistes ont-ils ?
III- L’espace
ligérien et ses marges. Contacts et réseaux
Bien des
abbayes ligériennes ont des prieurés en Normandie, en Poitou, en Bourgogne, en
Bretagne, en Ile-de-France… Par ailleurs, les hommes circulent d’un
établissement à un autre suscitant des échanges culturels.
Quelle est la
nature de ces échanges ? L’espace ligérien est-il exportateur de modèles ou
bien est-il particulièrement perméable aux influences externes ? Quel a été le
rôle d’hommes issus de monastères ligériens qui sont devenus évêques ou abbés
en d’autres régions ? Quel a été celui d’abbés originaires de territoires
extérieurs à l’espace ligérien ? Quel a été celui des laïcs bienfaiteurs ? Quel
a été celui des prieurés dans la diffusion des formulaires en usage dans
l’abbaye-mère et dans la réception de modèles externes ?
Les manuscrits
sont-ils plus sujets que la production diplomatique à subir des influences
extérieures affectant notamment leur mise en page et leur ornementation ? Les
contacts sont-ils plus précoces et plus intenses avec certaines régions qu’avec
d’autres ? La situation a-t-elle été modifiée par les évolutions politiques,
notamment celles du XIIe siècle ?